La Ponctualité en question

Parmi les griefs exprimés par les franciliens usagers des transports en commun, la ponctualité défaillante est souvent mise en cause.

Au-delà, l’écart entre les données publiées sur le sujet par le STIF, et le ressenti des voyageurs au quotidien, semble très important. Intéressons-nous à cette divergence spécifique.

Chaque mois, le STIF publie le BPIM, Bulletin de la Ponctualité Interactif Mensuel. Le dernier disponible, celui du mois de mai (pourquoi tant de retard ?), est riche en enseignements.

Pour chaque ligne est indiqué, entre 0 et 100, l’objectif auquel s’est engagé l’opérateur (RATP ou SNCF), le seuil minimal (en dessous duquel le bonus financier ne sera pas accordé), et les derniers chiffres relevés, ainsi que ceux de l’année précédente, pour comparaison.

Premier constat, qui n’est pas vraiment une surprise, les chiffres indiqués pour le réseau métro sont globalement satisfaisants, si l’on excepte la ligne 13, connue pour ses soucis chroniques.

Mais, premier élément intriguant, si pour le métro, on distingue l’offre aux heures de pointe, et le temps d’attente en heure creuse, cette différenciation disparait dès lors que l’on aborde les lignes régionales (RER ou transilien). Pourquoi ne pas conserver le même indicateur pour toutes les lignes, ou tout du moins, distinguer heures creuses et heures de pointe ?

Apparait donc pour les 5 lignes de RER, et les 8 lignes de transilien, l’objectif contractuel à atteindre, et les dernières données disponibles. Comment est donc calculée cette ponctualité ? Le document précise « La ponctualité voyageurs représente le pourcentage de voyageurs arrivant à l’heure ou avec un retard de moins de 5 minutes à leur gare de destination. La ponctualité voyageurs est calculée pour l’ensemble de la ligne et pendant toute la journée. Elle se base sur l’horaire affiché dans les gares et les flux voyageurs théoriques. »

Déjà, le fait de considérer un train ayant « moins de 5 minutes de retard » comme étant à l’heure est assez discutable. Mais surtout, en s’appuyant sur « des flux de voyageurs théoriques » et en étant lissée sur l’ensemble de la journée, on s’éloigne assez facilement de la réalité, et cela explique certainement en partie la différence de perception susmentionnée.

Avec les lignes de contrôle, et les validations de pass Navigo, n’est-il pas possible de s’appuyer plutôt sur des relevés plus précis que des flux théoriques ?

Dans tous les cas, on constate qu’une majorité des lignes ne parvient pas à atteindre l’objectif. 10 lignes sur 13 sont en deçà. Forcément, à comparer avec le métro, c’est assez dramatique.

Ensuite, et c’est certainement le plus troublant, pour chaque ligne est indiqué un chiffre global, puis son détail, branche par branche. Et là, on peut constater que le chiffre global masque de grandes disparités au sein d’une même ligne, et que certaines dessertes souffrent de retards bien plus importants.

 

 

 

A titre d’exemple, le RER B affiche une ponctualité globale de 89,2% (soit près de 9 trains sur 10) mais dès lors que l’on s’intéresse au segment Bourg-la-Reine – Robinson, celle-ci chute drastiquement pour atteindre 73,7% (soit plus d’1 train sur 4), ce qui est probablement plus proche de la réalité.

Terminons ce billet par un simple exercice d’algèbre. Logiquement, le chiffre global devrait être la moyenne des données relevées pour chaque branche. Or, dans nos différents calculs, il s’avère que cela diffère souvent, dans des proportions plus ou moins importantes.
Ainsi, pour le RER A, voici le tableau présenté :


Une ponctualité globale de 85,6%, soit 8,5 trains sur 10.

Faisons maintenant la moyenne : 71,2 + 73,4 + 78,8 + 83,6 + 82,5, divisé par 5 = 77,9 ! On est donc quand même très loin des 85,6% ! Près de 8 points d’écart !

Alors pourquoi une telle différence ? Et quel calcul est réalisé pour atteindre ce 85,6% ? En fait, on prend en compte également la ponctualité du tronçon central seul, donnée qui n’est pas indiquée dans ce document. Mais une chose est sûre, cela permet de faire remonter drastiquement la moyenne générale (de 8 points, donc), ce qui fausse d’autant plus ce résultat…

La Liste des Usagers souhaite à une réforme du mode de calcul, qui n’est, à l’évidence, plus en adéquation avec la réalité à laquelle sont confrontés les usagers au quotidien.

6 commentaires sur “La Ponctualité en question

  1. Tout a fait,
    A titre d’exemple sur la ligne P du transilien, le mois de Mars a été l’un des mois les plus catastrophiques qu’ait connu la ligne. (matériel défaillant, portes qui ne se ferment plus, nombreuses rames en ateliers, suppressions quotidiennes, 1 train sur 2 en pointe le matin, retards de +10minutes à 45 minutes le soir) sur l’axe Château-Thierry mais également sur la Ferté-Milon et Provins. Les axes de Meaux et Coulommiers semblaient plus légèrement épargnés. Et le taux de ponctualité a été l’un des meilleurs enregistré sur l’année 2015 pour la ligne… Incompréhensible ! Surtout que les mois précédents plutôt sans gros incidents ont eu des taux de ponctualité inférieurs.
    Si sur 100 trains seuls 70 ont roulés, comment peut-on alors prétendre a de bon taux de ponctualité ? Sont-ils comptabilisés, où, de par leurs suppressions, ils ne sont pas comptabilisés ? Celà fausserait totalement la donne.

    • Un merci tardif, Kévin, pour ce témoignage très précis. Nous avons eu l’occasion d’échanger brièvement sur twitter, mais je crois que le moment est venu pour nous de nous mobiliser ensemble pour cette ligne SNCF trop souvent considérée comme « mineure » par les décideurs.

  2. OK pour distinguer heures creuses et heures de pointe, sur la définition desquelles, par ailleurs, il faudrait s’entendre car, l’été, la tranche horaire est plus réduite sur certaines lignes.
    Pour ce qui est de la moyenne des branches, cela me semble logique car la fréquentation de chaque branche est différente et cela introduit donc un facteur de pondération.
    Il serait également appréciable que, pour chaque mois, voire semaine ou jour de semaine, et par ligne, nous puissions connaître le nombre de trains supprimés et celui des min. de retard aux terminus accumulées. De même que, pour chaque relation, le temps moyen, à comparer avec ce que les horaires théoriques affichent.

  3. Il faudrait aussi, pour les RER SNCF/RATP, que les bulletins de retard (sur le site internet Transilien) ne s’arrêtent pas à la dernière gare SNCF…

  4. M. Delarue, vous écrivez :
     » Avec les lignes de contrôle, et les validations de pass Navigo, n’est-il pas possible de s’appuyer plutôt sur des relevés plus précis que des flux théoriques ?  »
    Se pose toutefois le pb des gares qui n’ont ni CAB ni valideurs Navigo. Parmi elles, et non des moindres, Paris St-Lazare.

    • M. Delarue n’est pas l’unique contributeur sur ce blog : en l’occurrence je suis l’auteur de ce texte.

      Évidemment tout cela demande une certaine adaptation aux équipements existants. On peut néanmoins imaginer, du moins dans un premier temps, un système mixte, qui s’appuierait sur ces données lorsqu’elles sont facilement récupérables.

      Bien qu’imparfait, cela resterait déjà une évolution positive, plutôt que d’utiliser des éléments « théoriques ».

      Nous allons réaliser début septembre une action portant sur la ponctualité en heures de pointe, afin de vérifier sur le terrain de quoi il en retourne exactement.

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